Dans un Monde de plus en plus rapide, en proie à une perte accélérée de repères, les repères qui jalonnent notre enfance, ceux qui apportent apaisement et quiétude face à l’instabilité ambiante, il se distinguait. André Blanchet, Dédé, s’affirmait ainsi depuis toujours, en se posant en observateur contemplatif et avisé des choses de la campagne : les bêtes, les arbres, les champs, les saisons. De toutes ces choses autrefois omniprésentes dans l’environnement immédiat de la ruralité, il en avait gardé les clés, les codes, les habitudes qu’il aimait à évoquer ou à faire partager avec ses amis ou sa famille.
Malade depuis de long mois, de trop longs mois, il s’est éclipsé vendredi dernier à l’âge de 82 ans. Une très nombreuse assistance est venue lui rendre un dernier hommage en l’église de Pâlis mardi dernier.
Il laisse un grand vide auprès de tous. Cette dernière formule, consacrée, prend ici un tout autre relief quand on mesure les accomplissements de Dédé dans le vie du village de Pâlis sur près de soixante ans : pompier pendant 44 ans, président de la société de chasse pendant 25 ans, créateur puis chef de musique au Clik Major Club ne représentent que quelques fonctions, quelques facettes les plus visibles de ses contributions largement évoquées au moment de ses obsèques émouvantes. Ces contributions ne sauraient éclipser son métier d’agriculteur tant sa marque fut prégnante dans la plaine de Pâlis avec quelques repères connus de tous : la vigne à Dédé –« je l’ai planté la veille de partir au service militaire » aimait-il à raconter- les arbres, les truffes, les champs. Ni éclipser les souvenirs conservés de lui lorsque, en fin d’activité et alors que l’agriculture s’était modernisée à marche forcée, il s’activait en moisson avec son Bollinder et sa moissonneuse-batteuse sans cabine mais avec un balai pour le dépoussiérage facial. A la ferme, Colette le secondait et l’aidait depuis leur mariage en 1948. Dans son métier, il appréciait également l’entraide, celle de sa famille, de ses amis Maurice et Peach trop tôt disparus, de son neveu Guy qu’il aidait en retour. Il vouait une grande passion pour les moutons, souvenir de ses jeunes années, et plus généralement pour les animaux ce qui lui fit accueillir proche de la retraite un jeune faon dans sa propriété.
Il y a quatre ans, il avait accepté de retracer sa vie, ses vies devrait-on écrire, pour la gazette : celle du paysan, du musicien, du chasseur, du pompier. C’était peu de temps avant que sa mémoire ne vienne se troubler. Irréversiblement. Pour le plus grand malheur de Colette, de sa famille, de ses amis, de Pâlis.